Une baisse des émissions de CO2 en 2019 en France et en Europe … mais un stock dans l’atmosphère sans précédent, explications.

Le ministère de la transition écologique et solidaire a publié le 4 juin dernier, dans son fil d’actualité des chiffres positifs — on en a besoin en cette période — sur les émissions de gaz à effet de serre en France. Mais en parallèle les chiffres au niveau mondial ne sont pas bons malgré des efforts collectifs.

Une légère baisse des rejets en France en 2019, mais une présence de CO2 sans précédents en mai 2020 malgré le COVID-19

Ainsi, le centre interprofessionnel technique d’études (CITEPA) estime que sur 2019 les émissions des gaz à effet de serre de la France seraient de 441 millions de tonnes équivalent CO2, soit un baisse de 1% par rapport à 2018. Plus encourageant encore, la baisse serait sur 8% sur le secteur « ETS » qui comprend l’électricité et l’industrie. Le rapport complet peut être consulté ici. Ces annonces vont dans le sens de l’état des lieux sur la stratégie bas carbone évoquée précédemment sur ce site.

Mais il serait plus que dangereux de crier victoire (du reste le communiqué ne fait pas non plus dans le triomphalisme évoquant au contraire la nécessité de « poursuivre et accentuer ces efforts » et que la transition s’opère dans tous les secteurs).

Tout signe en faveur d’une stagnation de la production de gaz à effets de serre (qui précède on le suppose une baisse) est bien entendu à signaler. Mais, l’enjeu étant mondial c’est bien à cette échelle qu’il faut travailler et … force est de constater que c’est moins reluisant : ainsi l’agence américaine d’observation océanique et atmosphérique a publié les données de mai 2020 et un nouveau record a été atteint en terme de CO2 présent dans l’atmosphère (source futura) : 417,1 ppm … du jamais vu pour l’instant à l’échelle de l’humanité.

Deux annonces qui ne se contredisent pas car le combat porte à la fois sur le « stock » et sur les « nouveaux rejets »

Alors quelles sont les raisons qui expliquent cette différence ? et comment expliquer une telle concentration de CO2 dans l’atmosphère alors que l’on a en sus annoncé une baisse des émissions en 2020 à cause (ou grâce ?) à la crise COVID-19 ?

Il faute réalité ne pas confronter ces deux annonces qui ne se contredisent pas tant que cela.

D’abord, 1% de rejets en moins c’est faible et la France reste un pays parmi tant d’autres (mais qui au final ne produit pas tant de rejets par ses choix énergétiques) et si nombre d’Etats sont engagés dans la réduction des gaz à effets de serre, tous ne sont pas dans une démarche identique. D’autres ont même fait du climatosceptisme une doctrine d’Etat.

Mais même si tous les pays enregistraient des réductions de leurs rejets, la courbe ne s’inverserait pas nécessairement immédiatement. Mais surtout il faut distinguer :

  • l’annonce française qui porte sur les rejets : à chaque instant nos activités produisent des gaz à effet de serre qui viennent ainsi s’ajouter dans l’atmosphère. Une diminution ne signifie pas l’absence de rejets.
  • l’étude du NOAA qui elle porte sur le stock à un instant T de CO2 (le marqueur le plus parlant des gaz à effet de serre) qui est la réalité de la composition de notre atmosphère.

Ainsi, il y a une inertie et nécessairement un décalage entre la production et la capacité d’élimination du CO2, ce que ne manque pas de relever la NOAA dans son communiqué. Et c’est justement cette inertie qui pose aussi des difficultés : la guerre pour le climat s’opère donc sur deux terrains avec d’un côté la lutte contre les nouveaux rejets et de l’autre la lutte contre le stock existant. Et c’est bien sur ces deux fronts à la fois qu’il faut agir.

Il serait erroné de penser que tous les efforts déjà engagés, les recherches et démarches ne servent à rien. Mais en revanche cela indique clairement que les effets des efforts engagés ne sont pas assez visibles pour l’instant et très probablement encore insuffisants. Surtout on voit bien aussi que la stratégie mondiale actuelle porte sur la limitation des rejets nouveaux mais peut-être pas assez sur la gestion du stock de gaz à effets de serre déjà présents dans l’atmosphère que la planète n’arrive pas a absorber assez vite.

Le piège serait de penser qu’un jour on pourrait à l’infini absorber le stock de CO2 : ce piège nous conduirait à poursuivre la fuite en avant des gaz à effet de serre. En pensant qu’on trouvera une solution : rien n’est moins sur, même s’il y a des avancées du côté des pièges à carbone. Mais l’erreur serait aussi de penser qu’il suffit de limiter nos rejets pour que tout se résolve : il est illusoire de penser que nous arriverons à une absence totale de rejets, encore plus à brève échéance. Il faut donc bien agir sur les deux terrains.