Les enseignements de la crise de la couche d’ozone

Les plus jeunes ne s’en souviendront pas. Mais pour les « quadra » et « quinquas » le bouleversement climatique a connu un précurseur dont on parle peu aujourd’hui : la destruction de la couche d’Ozone. Nous pouvons tirer des enseignements de cet évènement : quand l’homme décide de réagir, il est capable d’influer positivement sur les enjeux climatiques.

Retour dans les années 80, la (très) lente prise de conscience

Dans les années 80 la question environnementale était peu présente, on parlait encore du risque de destruction massive par l’arme atomique, on était traumatisés au milieu des années 80 par Thernobyl (qui a jamais nous fera nous méfier de la solution nucléaire … alors même que sans nier ses dangers elle pourrait être à prendre en compte dans l’équation du réchauffement climatique, mais c’est un autre débat). Néanmoins, on commençait a parler d’un danger de réchauffement en raison de la destruction de la couche d’Ozone. Relevons d’ailleurs que l’alerte était tirée dès le début des années 70, surtout en 1974, Sherwood Rowland et Mario Molina faisant le lien entre les chlorofluorocarbures (CFC) et le risque de destruction de la couche d’ozone stratosphérique.

En clair, un trou se formait au dessus de l’Antarctique, il a grandit pendant 20 années. La couche diminuait sur d’autres parties du globe, limitant sa capacité de filtrer certains rayonnement solaires.

On annonçait que cela allait rendre la planète invivable pour l’Homme, ça vous dit quelque chose ? il n’en fallait pas plus d’ailleurs pour que Hollywood s’en saisisse dans des films fin des années 80, début des années 90 (dont l’oubliable Highlander 2, vous n’êtes d’ailleurs pas obligés d’aller consulter ce lien !) quand nous étions au pic de production des CFC.

Soyons clairs, le danger était bien réel, ne rien faire allait conduire clairement l’espèce dans une impasse. Et nous avions l’impression que rien ne bougerait.

Nous n’étions certes sans doutes pas aussi conscients du danger que maintenant, la crise environnementale est plus globale, c’est un fait et surtout aujourd’hui mieux documentée en raison de la société de média que nous connaissons mais aussi en raison des capacités de modélisation bien plus poussées aujourd’hui et en ce sens l’explosion des moyens de calculs est aussi bien une cause de problèmes … que le baromètre qui nous manquait alors.

Un précédent riche d’enseignements

Mais ce qui est au final intéressant c’est ceci : alors que la courbe annonçait une situation gravissime, a coup de protocoles, ratifiés par les pays, nous avons pu peu à peu inverser la tendance, voir par exemple ce graphique issue de ourworldindata.org.

On s’en souvient sans doutes plus, mais à l’époque cette inversion de la courbe n’était même pas envisagée pour le public et pourtant, les faits sont là.

Plusieurs constats :

  1. En premier lieu, même si la couche d’ozone reste fragile, on ne peut constater que lorsqu’au niveau international un consensus se dégage sur une stratégie, que les bonnes mesures sont prises on peut faire des grandes choses
  2. Si on se replace dans le contexte, la population souvent disait « oui mais interdire ces substances qu’on trouve partout, ça va être compliqué. Les Pays en développement ne vont pas suivre, etc. » résultat presque tout le monde a joué le jeu, ce ne fut pas le chaos : l’homme s’est adapté et sans difficultés. Il a très vite remplacé ses besoins en CFC par des substances plus respectueuses de la couche d’Ozone (comme l’atteste ce schéma que nous avons pu faire à partir des données OWD, ci contre).
  3. Ca ne s’est pas fait en un jour. Le premier protocole était peu ambitieux, mais il fut accompagné de protocoles successifs plus contraignants. C’est la politique des pas progressifs qui fut un succès.
  4. Par contre … soyons francs on a substitué les CFC par d’autres substances qui aujourd’hui se révèlent aussi être des gaz a effet de serre (mais ce n’est pas la principale cause loin de là) : il ne faut pas sous-estimer donc aussi les points négatifs d’une stratégie. Mais globalement la stratégie du protocole de Montréal s’est avérée globalement positive.
  5. Il y a aussi une inertie (voir ci-après), autrement dit il ne faut pas s’attendre a des résultats immédiats, il y a nécessairement un décalage entre les mesures curatives et les résultats (comme le malade qui connait une période de convalescence).

Pour ceux qui sont allergiques à l’anglais, il est possible de lire ce très bon résumé de l’organisation météorologique mondiale qui constate que nous sommes revenus a des valeurs d’avant 1980 sur des rejets, mais qu’il faut rester prudents.

En 2015 l’OMM (WMO en anglais) indiquait que si il y a des résultats encourageants, il ne fallait pas relâcher les efforts et rester vigilants :

Grâce au Protocole de Montréal, les concentrations atmosphériques de CFC sont en baisse. La colonne totale d’ozone montre des premiers signes d’embellie, mais les changements observés ne sont toujours pas statistiquement significatifs. La concentration d’ozone à 40 km d’altitude a nettement augmenté au cours des dernières années, mais de plus amples études seront nécessaires pour confirmer la signification statistique de ce changement.

Organisation Météorologique Mondiale, bulletin de 2015 (lien ci-dessus)

En 2017, jonathan Shanklin disait :

le protocole de Montréal est un accord remarquable dont nous observons les effets. Les signes de récupération du trou de l’ozone sont de plus en plus évidents, ce qui aura d’énormes avantages pour la société, avec moins de cas de problèmes liés aux UV. Cela démontre que lorsque les politiques et la science travaillent ensemble, ils peuvent aboutir à une action efficace.

J. Shanklin (traduction article Futura), Phys.org

En 2018, un rapport de l’OMM/WMO tendait à confirmer encore ce mouvement, montrant qu’on est sur l’état de la couche d’ozone sur un début de courbe croissante de réformation.

Mais rien n’est gagné, ce rapport révèle aussi que la convalescence de la planète sur ce point va être longue puisque selon les projections nous reviendrions a un état similaire au début des années 80 qu’à l’horizon 2060 et 2100 pour un état similaire à ce qu’était probablement l’état avant l’usage des CFC.

Mais cela forme un précédent qui montre que l’homme peut s’attaquer correctement à un problème … il faut juste qu’il s’en donne les moyens et persévère.