Chronique de la mort annoncée du plastique jetable

On a beaucoup décrié les textes de loi de ces dernières années en matière environnementale. Certains contestent le manque d’ambition du législateur. D’autres au contraire le caractère irréaliste des mesures proposées. Au final, selon que l’on se place du côté de ceux qui veulent une transition environnementale rapide ou de ceux qui voudraient que rien ne bouge, les avis s’opposent.

Nous nous sommes « amusés » à reprendre les textes de loi et à regarder de plus près ce qu’il en est réellement en prenant comme exemple les plastiques jetables et certains autres aspects qui nous toucheront au quotidien.

Chacun jugera, mais voici ce que donne la lecture des dernières lois de 2015, 2020 et la dernière en date, la loi « Climat – résilience » d’aout 2021.

Regarder ces textes est pertinent au-delà du contexte franco-français. Ils présentent une stratégie nationale certes, mais sous influence européenne. Surtout, ils sont la conséquence d’une évolution toit à la fois de notre société et d’une réalité : la fin du pétrole (entre autres car tous les plastiques ne proviennent pas du pétrole).

Parlons calendrier

Les textes donnent des objectifs et des obligations à échéances avec 4 étapes de 2021-205, 2025-2030, 2030-2035, 2035-2040.

Pour les seuls plastiques dits à « usages uniques » — donc que nous jetons juste après leur usage — on estime à près de 140 milliards la quantité de produits ménagers jetables mis sur le marché chaque année rien qu’en France. Il s’agit en grande partie d’emballages, de contenants à usages uniques, etc. La restauration a elle seule représente 180000 tonnes de déchets d’emballages par an.

Une interdiction progressive, surtout sur les prochaines années

Dressons un calendrier sur ces périodes (qui n’évoque que la question des plastiques mais les lois comportent bien d’autres aspects). On constate assez vite que les changements même s’ils peuvent sembler minimes vont toucher de nombreux aspects de nos vies (désolé sur smartphone il est recommandé de lire le tableau en mode paysage) :

DateObjectifsInterdictions (plastiques non réutilisables)Autres mesures
2020• Réduction de 50% les produits manufacturés non recyclablesGobelets, assiettes, coton-tige.• Interdiction de la mention « biodégradable » sur les plastiques
2021• Renforcement des mesures de réduction de la possibilité de stocker certains déchets
• Pailles, couverts, touillettes, etc.
• Contenants / récipients en polystyrène pour la vente à emportée.
• Confettis en plastique
• Possibilité d’apporter ses emballages réutilisables pour le vrac
• Interdiction de l’import de sacs en plastiques à usage unique pour forcer le respect de la loi
• bacs de récupération des emballages et suremballages en supermarché
• Affichage de l’indice de réparabilité des équipements
• Allongement de la durée de stockage des pièces (avec par ailleurs adaptations notamment pour permettre le stockage de fichiers pour impression 3D )
• Expérimentation du « Oui-Pub » pour certains territoires : les prospectus ne pourront être déposés que s’il est indiqué que la publicité est acceptée sur la boîte aux lettres
2022• Sachets de thé en plastique.
• Jouets en plastiques offerts dans les menus.
• emballages plastiques des journaux et revues
• emballages plastiques sur les fruits et légumes (hors gros vrac)
• Début de la mise en place de la stratégie sur les consignes pour les bouteilles en plastique
• Interdiction dans les établissements recevant du public de distribuer des bouteilles plastiques gratuites, recours aux fontaines à eau
• Interdiction de la destruction des invendus non alimentaires
• Allongement de certaines durées de garanties
2023Obligation d’utiliser une vaisselle réutilisable dans les fast-food (ne concerne pas que le plastique).Fin de l’impression des tickets de caisse
2025• réduction de 20% les emballages à usage unique dont la 1/2 par réemploi ou réutilisation
• tendre à 100% de recyclage des emballages plastiques impliquant que la fabrication d’emballages prenne en compte ces objectifs
• tendre à une réduction de 100% d’emballages uniques qualifiés d’inutiles (blisters en plastique, emballages de piles, etc.)
• De nombreux autres objectifs relatifs à certains déchets et modes d’élimination/traitement des déchets
Interdiction des contenants en plastique pour réchauffer les aliments destinés aux nourrissons et enfants en bas âgeLes lave-linges neufs devront être dotés d’un filtre à microfibres de plastique pour éviter leur rejet dans le milieu naturel
2030• De nombreux autres objectifs relatifs aux déchets avec un objectif renforcé de réemploi (pour continuer la « migration » vers ce que l’on appelle une économie circulaire)
2035Renforcement de certains objectifs avec l’ambition de supprimer tous les emballages plastiques, plus largement les plastiques jetables pour 2040

Il est intéressant de relever que la feuille de route est claire sur les 4 prochaines années … et l’est moins sur les années suivantes on voit bien que la loi ne trace au-delà de 2025 que des objectifs.

Comme souvent, un nouveau calendrier plus précis devra donc être adopté. Mais … le rythme est d’ores et déjà donné et nous constatons déjà, dans nos vies, certains de ces changements : qui se souvient des pailles en plastiques ? qui se souvient que les plus râleurs sur ce point étaient d’ailleurs les adultes et non pas nos enfants qui se sont très bien adaptés à l’absence de paille ou à la paille faite de bambou ?

Remarque : il est normal que le tableau saute de 2023 à 2024, aucune mesure spécifique sur cette année n’est prévue en ce qui concerne cet article.

Mais ce n’est pas tout …

A cela s’ajoutent bien d’autres obligations comme l’obligation croissante par filière professionnelle d’organiser une stratégie pour les déchets produits par eux ou que leurs produits génèrent (à l’image des filières pour les déchets électroniques, c’est ce que l’on appelle la responsabilité élargie du producteur).

De nombreux aspects de ces textes au final ne touchent pas directement les citoyens que nous sommes, mais plutôt indirectement. Quelque part, les gobelets, les pailles … peuvent sembler dérisoires mais ce n’est qu’un symbole et derrière se cache la réalité d’une lutte plus globale contre tous ces emplois déraisonnés du plastique à usage unique.

La vraie révolution est sans doute plus cachée aux yeux du public, notamment en agissant directement sur les producteurs dans certains secteurs qui devront organiser les filières. Les secteurs suivants ont ou auront ainsi l’obligation d’organiser une filière de collecte et valorisation des déchets et évidemment éviter autant que possible de créer du déchet :

  • Depuis 1993 : Les emballages (avec désormais les mesures renforcées évoquées avant et seront encore renforcées en 2025) ;
  • Depuis 2001 : Les piles et accumulateurs ;
  • Depuis 2004 : Les pneumatiques avec un renforcement compter du 1er janvier 2023 ;
  • Depuis 2006 :
    • Les imprimés papiers ;
    • Les équipements électriques et électroniques ;
  • Depuis 2007 : Les produits textiles d’habillement, les chaussures ou le linge de maison neufs ;
  • Depuis 2009 : Les médicaments avec un élargissement ensuite à des dispositifs médicaux ;
  • Depuis 2012 :
    • Les produits chimiques pouvant présenter un risque significatif pour la santé ;
    • Les éléments d’ameublement ainsi que les produits rembourrés d’assise ou de couchage ;
  • Depuis 2019 : Les navires de plaisance ou de sport ;
  • Depuis 2020 : les produits textiles neufs pour la maison ;
  • Depuis 2021 : Les produits du tabac ;
  • En 2022 :
    • les éléments de décoration textile ;
    • les déchets du BTP (qui ont déjà des obligations de traçabilités renforcées) ;
    • Les jouets ;
    • Les articles de sport et de loisirs ;
    • Les articles de bricolage et de jardin ;
    • Un élargissement des aux voitures particulières, les camionnettes, les véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles afin d’en assurer la reprise sur tout le territoire ;
    • Les huiles minérales ou synthétiques, lubrifiantes ou industrielles ;
  • En 2024 :
    • Les gommes à mâcher synthétiques non biodégradables ;
    • Les textiles sanitaires à usage unique, y compris les lingettes
  • En 2025 : Les engins de pêche contenant du plastique à compter du 1er janvier 2025.

Ajoutons à cela des initiatives d’industriels comme par exemple le monde des cartouches d’impression qui s’est organisé de lui-même en 2011 et des filières organisées déjà au niveau européen comme par exemple pour certains gaz.

Trop vite ? pas assez vite ? une chose est sure, le plastique jetable compte ses jours et il faut continuer à avancer.

En guise de conclusion on peut considérer que nous vivons un basculement.

Les déchets, le plastique, étaient auparavant une nuisance « à gérer », sans plus, dans les esprits. Il y a encore 30 ans l’enjeu était finalement juste de ne pas voir ces déchets qu’on entassait loin des regards. Il y a 20 ans, l’enjeu était de mieux gérer les déchets, éviter des pollutions des sols, mais au final, on estimait parfois encore que l’enjeu était juste de les stocker ou incinérer correctement.

Mais depuis quelques années, on passe de la « gestion » des déchets à une lutte contre les plastiques inutiles en interdisant simplement leur existence (le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas) et l’idée aussi — bien visible sur d’autres aspects de la loi — qu’un bien doit être réemployé. Un meuble, un objet (plastique ou non) peut avoir une seconde vie. Un déchet, plus qu’être éliminé doit être recyclé ou valorisé : c’est l’avènement de l’économie circulaire.

Et une chose est certaine, le plastique jetable, mais aussi non jetable pour certains aspects compte ses jours. Alors trop vite ? pas assez vite ? … question délicate. A l’évidence on avance est c’est déjà ça. A l’évidence aussi on ne peut interdire un plastique sans chercher une solution alternative au risque sinon que la loi ne soit simplement pas applicable et trop « hors sol ». Une loi efficace est un compromis, toujours.

S’agissant des plastiques, peut-être (c’est même plus que probable) ne pourrons nous pas nous en passer totalement, mais outre le fait qu’on pourra certainement plus s’appuyer dans certains cas sur des plastiques mieux pensés, recyclés, à l’impact moindre (mais attention tout bioplastique, quel qu’il soit, comme le PLA ne signifie pas une absence totale de nuisances), il sera on l’espère moins présent dans nos vies en faveur de ressources plus respectueuses de noter planète.

Une autre chose est certaine, ces interdictions poussent aussi les industriels, les professionnels, les particuliers à repenser leurs processus et approche et c’est un aspect important pour que changement opère.


Le mot de la fin (note d’intention) : Il ne s’agit pas ici de prendre partie pour tel ou tel groupe politique, ni de donner des bons ou mauvais points au gouvernement actuel. De notre point de vue chaque loi est insuffisante au regard des enjeux … et pourtant une étape décisive à saluer. Surtout, chaque texte est la continuité du précédent et sur ce point, si l’on considère le chemin réalisé depuis 10 ans, alors on ne peut que saluer le fait que la droite (lois « Grenelle » 1 et 2 de 2009 et 2010), la gauche (la loi « transition énergétique et croissance verte »  dite TECV de 2015), et disons le centre (lois »EGALIM » de 2018, « relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire » dite AGEC de 2020 et la loi « Climat – Résilience » de 2021) ont engagé ce mouvement. Espérons juste que cela ne s’arrêtera pas là.

Pour aller plus loin sur le sujet …

Un résumé plus détaillé de la stratégie est disponible sur ce document du ministère (certains points ont cependant été ajustés, complétés, par la loi d’aout 2021, mais ce document nous semble à jour). Le site du Ministère comporte également quelques informations synthétiques donnant une bonne vision de la démarche.

Pour les filières « REP » nous vous recommandons cette page de l’ADEME.

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